Lydia
Lunch et ses petits démons
Grande
prétresse de la no wave dans le New York des années
70-80 et féministe combattante adepte d'un parler cru sans équivalent
depuis lors; Lydia Lunch (& Band) revient aujourd'hui en France avec
un nouvel album - Smoke in the shadows - aux senteurs "moody
jazz", qui fleure néanmoins le "spoken word" embrasé
en matière d'extrémisme passionnel. Elle sera donc très
attendue avec Héliogabale, Yokohama Zen Rocks, Aka 42 et consorts,
lors de la 6ième édition du festival Avatarium qui se tiendra
les 19 et 20 novembre au musée de la Mine de Saint-Etienne.
LZ:
Considères tu toujours ton microphone comme l'arme absolue... une
arme de destruction massive des idées reçues?
LL: Absoluement, c'est une arme
contre la suffisance... Un outil amplificateur dont je me sers quand je
pratique l'art d'hypnotiser les masses! Une extension chromée,
un filtre d'argent au bout de ma langue!
Quelle
que soit la forme artistique que prend ton travail, il semble que tu utilises
systématiquement la réalité comme matière
première.
La réalité est à mon sens beaucoup plus hideuse,
hilarante et répugnante que la fiction. Je raconte alors simplement
la réalité comme je la vis, aussi perverse soit elle.
Continues
tu à "te lacérer avec les souvenirs" ou te sens
tu plus en paix aujourd'hui avec le passé, même incestueux,
voire le futur qui sait?
Je me sens effectivement plus
en paix, d'autant que le monde qui m'entoure, lui, est toujours plus en
guerre. L'information circule enfin rapidement grâce aux nouvelles
technologies et nous dit la vérité concernant ce virus qu'est
le patriarcat et la brutalité assassine qui l'accompagne... et
cela fait plus de 20 ans que j'enrage contre cette merde. Quant à
mes propres souvenirs, on peut arriver à purger de son système
personnel tous les traumatismes, mais le corps ne permet jamais d'oublier
ses propres cicatrices, c'est une sorte de mémoire moléculaire.
Pour
revenir à Smoke in the shadows, pourrait-on dire de cet
album qu'il s'agit d'un nouvel épisode de lamentation autobiographique
sur la nature destructrice de la passion extrème? Comme tu avais
toi même baptisé l'installation que tu as présentée
cette année en Angleterre.
Je ne connais que ça...
et je n'ai aucun intérêt à travestir la réalité
en fiction. Il y a le Top 50 pour ça. Il y a aussi l'industrie
du divertissement et le monde des célébrités qui
y arrivent parfaitement. Moi au contraire je dois chanter, crier, murmurer,
ronronner aussi... et dégueuler mes tripes à la face de
ceux qui voient en moi une soeur pleine de compassion, une mère,
une fille ou un enfant; quelqu'un qui s'adresse à eux en toute
franchise, une sorcière qui comprendrait leurs angoisses, qui essaie
constamment de trouver non pas une solution, mais la voie du salut par
la rédeption.
Tu
as dit un jour que ton "objectif avoué était
la satisfaction et que la satisfaction de soi-même constituait la
rebellion ultime..." (Pez Ner, novembre 97)
Tant que l'individu n'aura pas
trouvé la satisfaction en lui-même, il ne connaitra que la
frustration avec les autres et avec tout le reste
A
propos de l'un de tes textes, "What is love without the pain?"
L'amour sans la souffrance:
est ce seulement possible? Que pourrait on apprendre de l'amour, que pourrait
on en retirer, qu'aurait on ensuite à donner, si ça ne faisait
pas mal, si l'on ne se brûlait pas les doigts...
Peux
tu nous en dire plus sur "The minus Man" (titre extrait de l'album)
C'est l'histoire d'un tueur
sympathique... et c'est tiré d'un livre et d'un film du même
nom. Il n'est jamais violent, il plonge ses victimes dans un sommeil profond.
Une très belle méditation sur la folie!
Quel
genre de message veux tu aujourd'hui délivrer aux "femmes
et aux enfants d'abord" (Spoken word présenté il y
a un an)?
Mes soeurs... cette situation
est abominable: une atrocité est commise non seulement contre les
femmes et les enfants, mais aussi contre tous les humains qui ne soutiennent
pas et ne profitent pas de l'industrie de l'armement. Dans cette folie,
voila qu'il faut trouver un endroit sûr, où vous et les votres
serez protégés. Mais il faut également se rebeller
en prenant du plaisir, ne pas laisser votre vie envahie par la peur que
ces putains de vampires aiment tant exalter. J'aimerais connaitre le moyen
d'enrayer définitivement ce virus mais je ne vois que le RENVERSEMENT
TOTAL des dictateurs du monde occidental... parce qu'en définitive,
je n'ai pas de meilleure solution.
Y
a-t-il encore des groupes ou des personalités qui te surprennent
agréablement dans l'underground, au niveau des scènes punk
rock et hardcore?
Je n'ai pas la moindre idée
de ce qui se passe sur les scènes punk rock et hardcore. Les gens
que j'admire toujours sont Foetus,
Karen
Finley, Coil,
Bjarnes Melgaard, Damien
Hirst et Merzbow!
L'esprit
de la no wave a t-il encore du sens aujourd'hui ?
La dissonance aura toujours
de l'intérêt; se révolter contre les formules toutes
faites et sortir des sentiers battus aura toujours de l'intérêt.
Il
y aura bientôt des élections aux Etats Unis... Considères
tu tout ça comme une mascarade ou trouveras tu des raisons de voter
contre Bush?
CET HOMME DOIT ABSOLUMENT
ETRE ELIMINE PAR TOUS LES MOYENS NECESSAIRES. Il se peut qu'il faille
aller plus loin que le vote pour se débarrasser de lui et des criminels
irresponsables qui fourmillent à Kaboul et ailleurs.
Quelque
chose à nous dire concernant cette prochaine tournée
baptisée Fall?
J'ai hâte de vous séduire
et de vous dégouter. A bientôt donc mes petits démons.
Laurent Z + Virginie
D pour la traduction
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